Bandeau Meuse en Scène

« La qualité doit être le pilier du développement du centre-ville »

0

DohenFrédéric Dohen, Président de l’UCIA de Bar-le-Duc, revient dans cette interview sur les problèmes rencontrés par les commerçants de centre-ville. Pas de solutions miracles, mais des pistes de réflexion.

Comment a évolué l’activité commerciale du centre-ville de Bar-le-Duc ces dernières années ?
F. Dohen : Répondre par la positive serait dire un grand mensonge. Il est évident que l’activité commerciale sur la ville est difficile depuis quelques mois. Et plus encore en centre-ville. Il suffit d’arpenter le centre-ville et d’observer les friches commerciales. Plus de trente sont dénombrées. Et d’autres risquent d’apparaître ces prochaines semaines. Il est donc urgent de se poser les bonnes questions.

Quelles sont les principales causes de cette désertification ?
Les modes de consommation ont évolué et les premières victimes sont les commerçants du centre-ville. Le consommer pratique, rapide et pas cher a pris le pas sur les modes de consommation traditionnelles. On ne peut donc pas négliger l’impact des centres périphériques, notamment sur l’alimentaire, qui ont une vraie force d’attractivité au détriment des petits commerces de centre-ville. Désormais, il faut aussi compter avec la consommation via internet, de l’ordre de 15 % sur le secteur. Ajoutons-y en parallèle une baisse et un vieillissement de la population et on mesure plus facilement la situation actuelle. Le Gâteau n’a pas augmenté, il a même diminué, et le partage se fait totalement différemment.

Faut-il céder à l’alarmiste, ou pensez-vous que les commerçants ont des armes pour inverser cette tendance ?
On peut pleurnicher, se lamenter mais cela changera quoi ? Il faut se poser les bonnes questions et essayer d’y apporter les meilleures réponses. Certains crient haro sur les grandes surfaces ? D’autres sur internet ? Mais une fois qu’on l’a dit, on est certes soulagé, mais on fait quoi ? Je pense, au contraire, qu’il faut installer des passerelles constructives entre les enseignes de périphérie et les commerces intra-urbains. Elles ont le pouvoir de sédentariser des clients sur le secteur. Il faut s’appuyer dessus afin de pouvoir les attirer en centre-ville avec des offres complémentaires. Une étude récente réalisée autour des modes de consommation sur la zone de chalandise de Bar-le-Duc est pleine d’enseignements. Enseignements tout d’abord sur le potentiel de consommation : il y a du boulot à faire tant l’évaporation vers les grands centres urbains de Saint-Dizier ou de Nancy est énorme.

Enseignements également sur les modes de consommation. Cette étude montre par exemple, que dans tout ce qui touche à la personne, le centre-ville tire son épingle du jeu.

A méditer. En tout cas, une chose est certaine, la qualité doit-être le pilier de tout notre développement en centre-ville pour le rendre plus attractif. Quand je dis qualité, je dis bien entendu qualité des produits mais pas que. La qualité doit se décliner à toutes les étapes de la vente : qualité de l’accueil, qualité de l’écoute, qualité du conseil, qualité du service et du service après-vente. Mais également qualité de la disponibilité. Comme je l’ai dit par ailleurs, les modes de consommation ont changé, et c’est fini le temps ou le client s’adaptait aux horaires des commerçants. Désormais les rôles sont inversés et c’est au commerçant à s’adapter aux disponibilités des clients. Je pense notamment qu’une vraie réflexion doit être engagée autour de l’ouverture méridienne des commerces.

L’UCIA de Bar-le-Duc peut-elle aider les commerçants à faire face ? Et si oui, comment ?
Une chose est sure, l’UCIA n’a pas de baguette magique. Nous ne pouvons pas tout résoudre d’un claquement de doigts. Par contre nous devons être aux côtés des uns et des autres pour travailler à l’attractivité de notre centre-ville. Quand je dis des uns et des autres, il y a les commerçants certes, mais il y a également les pouvoirs de décisions. Avec la ville nous échangeons très régulièrement sur les différents sujets et nous sommes tous d’accord qu’il faut redonner du tonus à notre centre-ville. Déjà, il faut que l’on ait une vraie réflexion sur le stationnement. C’est un combat obligatoire. Les américains répètent sans arrêt : no parking, no business ! Ca veut tout dire ! Sans doute faut-il que l’offre de parking soit mieux identifiée et signalée par des panneaux aux entrées de ville. Il faut aussi que nous réfléchissions de notre côté au comment les commerçants peuvent offrir le stationnement à leurs clients, la gratuité du stationnement est à proscrire. Autre combat qu’il faut mener, celui des friches commerciales. Autant de cellules vides en centre ville, ça ne peut pas durer. On peut donc s’interroger d’ores et déjà sur le prix des loyers qui sont prohibitifs. Qui peut s’installer avec de telles charges locatives, ce n’est plus possible. Avec la ville et les propriétaires, il va falloir absolument trouver une solution si on veut pouvoir donner la chance à de nouveaux commerçants. Enfin, il y a l’animation. Elle doit être ludique et récurrente pour créer des habitudes et amener des flux en ville. Charge ensuite aux commerçants de s’approprier ces flux. Le savoir faire, ils l’ont, à eux de savoir le valoriser et à nous de les aider à le valoriser.

La ruralité est-le davantage menacée que les grandes agglomérations ? Et si oui, pourquoi ?
L’étude réalisée dernièrement démontre que l’évaporation vers les grandes agglomérations est importante. Mais ce qui est surtout significatif, c’est que cela est encore plus vrai, dès que l’on s’éloigne de Bar-le-Duc. En fait quand quelqu’un met son derrière dans sa voiture, il le met pour quelque chose et plutôt que venir sur la ville centre, il part en direction des grandes agglomérations. Alors oui, la ruralité est plus menacée. Pour autant, il ne faut pas se résoudre à la fatalité. Actuellement par exemple, nous réfléchissons à la mise en place d’un « market place », un Amazon à dimension locale, qui nous permettrait de porter nos commerces vers des zones plus éloignées. Les nouvelles technologies doivent être une arme dont nous ne devons pas hésiter à nous servir en l’occurrence.

Auriez-vous des exemples de départements ou de pays où le commerce de centre-ville semble moins menacé ?
Actuellement la désertification des centres-villes est un problème national et rares sont ceux qui y échappent. Dernièrement, j’ai vu un reportage sur la ville de Nimes, ou en modifiant la logique des transports, ils ont réussi à recréer des flux en centre-ville. Les flux, c’est la vraie solution….On y travaille….

Les consommateurs sont-ils également responsables de cette situation ? Doit-on les sensibiliser à la cause de leurs commerçants de proximité ?
Sont-il responsables de ne pas consommer chez nous, certainement oui. Sont-ils coupables ? Non. Posons également la question suivante : les commerçants sont-ils responsables de la non-consommation des consommateurs ? En partie oui : ils n’ont pas forcément su s’adapter et prendre le train en marche. Pour autant rien n’est figé. Aussi bien chez les commerçants que chez les consommateurs. On se rend compte par exemple que l’aspiration à de vraies valeurs, à plus de qualité, est une tendance qui s’amplifie. A nous de savoir répondre au mieux à cette exigence.

Partager :

À propos de l'auteur

Directeur de publication Rédacteur, photographe et graphiste

Laisser un commentaire